UN REPAS DÉGUSTATION OU L’ALSACE EST À L’HONNEUR
L’esprit est à la fête et
nous sommes contents de nous revoir puisque tous les membres fondateurs du
groupe sont de la partie. Le Crémant d’Alsace de la bonne maison Barmes-Buecher
ouvre la marche, émoustille les papilles malgré l’absence remarquée d’amuse-gueules,
oubliés par le gentil coordonnateur de la soirée qui se confond en mauvaises
excuses.
Nous amorçons donc le repas
plus tôt que prévu, les convives visiblement affamés ne se font aucunement prier
pour goûter aux asperges al dente qui
nous attendent sur la table. Elles sont accompagnées d’une vinaigrette légère à
laquelle un excellent vinaigre balsamique blanc de Modène apporte un peu
d’acidité et de sucre alors que l’huile d’olive italienne libère un parfum discret et une touche sensuelle en bouche. Le muscat vinifié en sec par la Maison Pfaff, la Cuvée Diane 2013, fait mentir la croyance souvent justifiée que l’asperge est
l’ennemie jurée du vin comme l’artichaut et un certain nombre d’aliments sur la
liste noire des sommeliers et autres amoureux du vin. L’accord est très beau,
les asperges et le muscat s‘entendent à merveille. Bravo Elizabeth.
Un Pinot gris de la maison
Ostertag en millésime 2012 attend la chaudrée de palourdes façon
Nouvelle-Angleterre, préparée par Hélène C. avec oignions, pommes de terre (pas
trop), palourdes et lardons. Un délice, un bel équilibre entre le velouté de la
soupe et l’acidité fraîche du vin, sa minéralité un peu tendue, l’ampleur de sa
trame aromatique qui est sur la coche, carrément sur le fil étroit du bel
accord. Un vin plus charnu ou plus rond aurait eu pour effet d’alourdir la
présence en bouche de la chaudrée. Succès! C’est bien parti.
Hélène L. travaille d’arrache
pieds à mettre la dernière main à sa paella
aux fruits de mer qui a pris du retard faute de riz oublié (tient, une autre!) sur le comptoir de sa cuisine.
Heureusement, un couple de convives à peine débarqué de l’avion en provenance
de Rome et un peu décalé dans leur horaire a pu s’en procurer le long du chemin
qui menait à la belle et confortable maison de campagne de la famille
d’Élizabeth.
Raymond, son conjoint,
propose deux rieslings pour tenir compagnie au plat de résistance de la soirée.
Le premier qui s’avère spectaculaire en lui même, droit, ample, un peu tendu,
d’une trame aromatique complexe aux arômes de fruits blancs à peine murs et une
envolée minérale légèrement pétrolée, développe un milieu de bouche luxuriant
et une finale longue et langoureuse, qui s’étiole tout doucement au bout d’un
nombre imposant de secondes. Nous sommes admiratifs devant ce Grand cru
Schlossberg 2010 de la maison Bott-Geyl sans contredit l’une des vedettes de la
soirée d’autant qu’il accompagnera sans complexe la paella de Hélène qui est un
pur ravissement.
Le second riesling
impressionne moins. C’est celui de Leon Beyer, sa cuvée « Les
Écailleurs » du millésime 2007, et qui est en déclin malgré un âge encore raisonnable pour un riesling. Sa
trame aromatique est envahie par des effluves de caramel, sa présence en bouche
est timorée et sa finale maigrelette. Il est littéralement écrasé par le plat
et il effectue une sortie discrète vers les crachoirs, le Bott-Geyl occupant
toute la place. Dommage. La dégustation est souvent cruelle.
Arrivent les fromages. Deux
pâtes fermes de Suisse, un L’Étivaz et un Maréchal, un chèvre à la pâte onctueuse de je ne sais où,
et une puissante et redoutable Époisse de Bourgogne qui remplace à pied levé un
Munster trop fait. Les vins se révèlent la grande déception de la soirée. D’abord,
l’intrus de la soirée, un vin d’Autriche, fait avec du grüner veltiner par la
maison Weingutt Bernard Ott en 2012, n’a aucunement les épaules pour affronter
les fortes personnalités alignées sur le plateau de fromage . Le second, un
beau Gewurztraniner 2010 de Zind Humbretch a une sucrosité beaucoup trop élevée
(presque un vin de dessert) pour s’entendre avec les fromages présentés allant
même jusqu’à « outstagé » l’Époisse qui n‘est pas piquée des vers. Tout
le monde se rabat sur une 2e bouteille du Pinot Gris d’Ostertag et
sur le riesling de Bott-Gey pour celles et ceux qui ont eu la prudence d’en
garder un peu.
Heureusement, la délicieuse
tarte aux pommes aux fruits croquants, au feuilleté léger, à peine sucrée,
et le captivant, l’inoubliable Pinot
Gris 2008 en vendange tardive du Domaine Weinbach, Clos des Capucines, nous
font oublier les vins précédents en une finale éblouissante. Un vin
d’exception, un cadeau de la vie. La grande vedette de la soirée.
Tout le monde dort ici ce soir.
C’est plus prudent après une soirée bien arrosée. Les convives se disent que la
saison s’annonce bien et quittent les unes et les uns après les autres pour un
sommeil réparateur dans la mesure ou la digestion leur permettra. Gracias a la
vida!