dimanche 13 septembre 2015

L'ALSACE REVISITÉE

UN REPAS DÉGUSTATION OU L’ALSACE EST À L’HONNEUR

L’esprit est à la fête et nous sommes contents de nous revoir puisque tous les membres fondateurs du groupe sont de la partie. Le Crémant d’Alsace de la bonne maison Barmes-Buecher ouvre la marche, émoustille les papilles malgré l’absence remarquée d’amuse-gueules, oubliés par le gentil coordonnateur de la soirée qui se confond en mauvaises excuses.

Nous amorçons donc le repas plus tôt que prévu, les convives visiblement affamés ne se font aucunement prier pour goûter aux asperges al dente qui nous attendent sur la table. Elles sont accompagnées d’une vinaigrette légère à laquelle un excellent vinaigre balsamique blanc de Modène apporte un peu d’acidité et de sucre alors que l’huile d’olive italienne libère un parfum discret et une touche sensuelle en bouche. Le muscat vinifié en sec par la Maison Pfaff, la Cuvée Diane 2013, fait mentir la croyance souvent justifiée que l’asperge est l’ennemie jurée du vin comme l’artichaut et un certain nombre d’aliments sur la liste noire des sommeliers et autres amoureux du vin. L’accord est très beau, les asperges et le muscat s‘entendent à merveille. Bravo Elizabeth.

Un Pinot gris de la maison Ostertag en millésime 2012 attend la chaudrée de palourdes façon Nouvelle-Angleterre, préparée par Hélène C. avec oignions, pommes de terre (pas trop), palourdes et lardons. Un délice, un bel équilibre entre le velouté de la soupe et l’acidité fraîche du vin, sa minéralité un peu tendue, l’ampleur de sa trame aromatique qui est sur la coche, carrément sur le fil étroit du bel accord. Un vin plus charnu ou plus rond aurait eu pour effet d’alourdir la présence en bouche de la chaudrée. Succès! C’est bien parti.

Hélène L. travaille d’arrache pieds  à mettre la dernière main à sa paella aux fruits de mer qui a pris du retard faute de riz oublié (tient,  une autre!) sur le comptoir de sa cuisine. Heureusement, un couple de convives à peine débarqué de l’avion en provenance de Rome et un peu décalé dans leur horaire a pu s’en procurer le long du chemin qui menait à la belle et confortable maison de campagne de la famille d’Élizabeth.

Raymond, son conjoint, propose deux rieslings pour tenir compagnie au plat de résistance de la soirée. Le premier qui s’avère spectaculaire en lui même, droit, ample, un peu tendu, d’une trame aromatique complexe aux arômes de fruits blancs à peine murs et une envolée minérale légèrement pétrolée, développe un milieu de bouche luxuriant et une finale longue et langoureuse, qui s’étiole tout doucement au bout d’un nombre imposant de secondes. Nous sommes admiratifs devant ce Grand cru Schlossberg 2010 de la maison Bott-Geyl sans contredit l’une des vedettes de la soirée d’autant qu’il accompagnera sans complexe la paella de Hélène qui est un pur ravissement.

Le second riesling impressionne moins. C’est celui de Leon Beyer, sa cuvée « Les Écailleurs » du millésime 2007, et qui est en déclin malgré un  âge encore raisonnable pour un riesling. Sa trame aromatique est envahie par des effluves de caramel, sa présence en bouche est timorée et sa finale maigrelette. Il est littéralement écrasé par le plat et il effectue une sortie discrète vers les crachoirs, le Bott-Geyl occupant toute la place. Dommage. La dégustation est souvent cruelle.

Arrivent les fromages. Deux pâtes fermes de Suisse, un L’Étivaz et un Maréchal, un  chèvre à la pâte onctueuse de je ne sais où, et une puissante et redoutable Époisse de Bourgogne qui remplace à pied levé un Munster trop fait. Les vins se révèlent la grande déception de la soirée. D’abord, l’intrus de la soirée, un vin d’Autriche, fait avec du grüner veltiner par la maison Weingutt Bernard Ott en 2012, n’a aucunement les épaules pour affronter les fortes personnalités alignées sur le plateau de fromage . Le second, un beau Gewurztraniner 2010 de Zind Humbretch a une sucrosité beaucoup trop élevée (presque un vin de dessert) pour s’entendre avec les fromages présentés allant même jusqu’à « outstagé » l’Époisse qui n‘est pas piquée des vers. Tout le monde se rabat sur une 2e bouteille du Pinot Gris d’Ostertag et sur le riesling de Bott-Gey pour celles et ceux qui ont eu la prudence d’en garder un peu.

Heureusement, la délicieuse tarte aux pommes aux fruits croquants, au feuilleté léger, à peine sucrée, et  le captivant, l’inoubliable Pinot Gris 2008 en vendange tardive du Domaine Weinbach, Clos des Capucines, nous font oublier les vins précédents en une finale éblouissante. Un vin d’exception, un cadeau de la vie. La grande vedette de la soirée.


Tout le monde dort ici ce soir. C’est plus prudent après une soirée bien arrosée. Les convives se disent que la saison s’annonce bien et quittent les unes et les uns après les autres pour un sommeil réparateur dans la mesure ou la digestion leur permettra. Gracias a la vida!