mardi 4 juin 2013

LA SICILE, suite et fin....


C’est beau la Sicile, variée. Montagnes et collines à l’Est, plaines et plateaux à l’Ouest, et l’Etna. De splendides vestiges d’époques diverses, marquées surtout par les pays et les empires étrangers qui se sont succédés au fil des siècles. Les phéniciens, grecs, carthaginois, romains, normands, arabes, espagnols et italiens pour finir.

On mange et on boit bien en Sicile, la mer et la vigne sont généreuses envers les siciliens. Pourtant l’île est pauvre, l’économie bat de l’aile comme dans le reste de l‘Italie, mais ici c‘est pauvre même quand l’Italie va mieux.

La Sicile est une île et les siciliens sont des insulaires avec les comportements et attitudes caractéristiques aux îliens. Cordialité mais réserve, accueillant mais prudent, serviable mais parfois méfiant, comme certains jours à Palermo. C'est aussi le pays ou naquit la Mafia. On la dit encore très présente mais qu'est-ce qu'on en sait? Les Siciliens n'en parlent pas, surtout pas avec des étrangers.

C’est un pays de pêcheurs, de paysans, de vignerons, d’horticulteurs, d’éleveurs. Cela se sent, même en ville où vit maintenant la majorité de la population Un peuple religieux, croyant, pratiquant mais pas zélote pour autant. Des gens dont la  culture est métissée et qui porte l’empreinte de plusieurs grandes civilisations. Les amateurs de vieilles pierres et de belles églises sont comblés en Sicile. Il y en a de toutes les époques, et souvent en très bon état.

La route et la conduite automobile, brrrrr! Attention, des nerfs, de la patience, beaucoup  de cran et un brin de « m’en fous la mort », surtout à Palermo.

Mes villes préférées : Syracuse pour les belles soirées dans le quartier historique d’Ortigia et sa Place du Duomo; Agrigento pour l’inoubliable vallée des temples; Raguza, Noto et Monreale pour leurs belles églises baroques ou normandes et le charme de leur quartier historique. Enfin, Marsala, pour le vin du même nom, pour sa tranquillité, sa douceur et son brassage démographique et culturel.

Un voyage exigeant, intense et passionnant. On ne regrette jamais une incursion en Italie, en Sicile comme ailleurs. 

Grazzie mille, arrivederci  y buonasera.

samedi 1 juin 2013

LA VIGNE EST GÉNÉREUSE ENVERS LA SICILE.


Deuxième partie de : 
La mer est généreuse envers la Sicile, la VIGNE aussi...

Je l’ai déjà écrit, la Sicile dispute à la  Vénétie et aux Pouilles la place du plus gros producteur de vin d’Italie. Quantité ne rime pas souvent avec qualité. C’est vrai, ici comme ailleurs.

En Sicile, seuls 5 % de la production de la région se font  en DOC (1) ou en IGT (2), les deux appellations qui garantissent la qualité sinon l’authenticité des vins, exception faite de la très prestigieuse DOCG (3), rare et convoitée. Une seule sur l’île, le Cerasuelo di Vittoria.

Tout le reste de la production est un peu à l’avenant, souvent en vrac, et ne rejoint peu ou pas le circuit des « ristorante, pizzeria e tratoria » non plus que les chemins de l’exportation. Concentrons-nous sur le 5% du haut de la pyramide de qualité...

On mange beaucoup de poissons et de fruits de mer, on produit donc beaucoup de vins blancs; 60% de la production totale. Le Grillo, le Grecanico, l’Inzolia et le Muscat d’Alexandrie sont les cépages les plus utilisés, avec l’inévitable Chardonnay que l’on retrouve partout dans le monde, ou presque… Mais c’est vraiment le Catarratto, un cépage très aromatique,  qui domine largement et qui joue incidemment un rôle essentiel dans la fabrication du Marsala. C’est le cépage le plus cultivé dans l’île. Produit en mono cépage ou assemblé avec d’autres, il donne des vins de qualité variable, parfois fort bons.

Les niveaux d’acidité des vins blancs sont habituellement bas, ils sont parfois mous, chaleur oblige. Les vins de Grillo sont sympathiques, sans histoire, dotés d’une souplesse gastronomique intéressante mais ils manquent souvent de fraicheur. Le Grecanico, qui s’apparente au Garganega du Veneto, est plus rare et produit des vins corrects sans plus. Pourtant, la maison COS fait un beau vin en l’assemblant avec le cépage chouchou des oenologues siciliens, l’Inzolia(4).

En blanc, l’Inzolia est le leader qualitatif incontesté, le cépage louangé, surtout en assemblage, le plus fréquemment avec le Catarratto ou le Grillo. La version mono cépage est pour amateur averti avec des finales en amertume importante, un caractère souvent « oxydatif » qui donne à la palette aromatique des parfums de noix et d’amandes parfois lourds. On aime ou bien on n’aime pas. Moi je n’aime pas trop, du moins ceux que j’ai goutés.

Enfin, il  y a bien quelques cépages rares comme l’albanello avec lequel Melle Arianna Occhipinti fait son SP 68 blanc, agrémenté de Muscat d’Alexandrie. Pas encore concluant à mon avis.

Vous aurez sans doute compris que je manifeste un enthousiasme modéré pour les vins blancs de Sicile mais les rouges j’adore.

Deux cépages autochtones font ma joie; le Frappato et le Nero d’Avola. Le premier pousse surtout dans la région de Vittoria où il contribue à l’assemblage du Cerasuelo di Vittoria en s’ajoutant au Nero d’Avola planté partout en Sicile. Ce dernier participe à presque tous les assemblages dignes de mention dans l’île, avec du Frappato, du Nerello Mascalese ou du Perricone. Il est aussi produit avec succès en mono cépage.

L’excellent Rosso del Conte de la prestigieuse maison Tasca d’Almerita à Regaleali est un bel exemple de Nero d’Avola de qualité. Il est d’ailleurs disponible dans les SAQ-Sélection. Planeta en fait un très bon ainsi qu’un Cerasuelo di Vittoria. Les Occhipinti, Arianna dans son  azienda et son oncle Guisto de la maison COS en produisent et le Siccagna (100% Nero d’Avola) de Melle Occhipinti est tout simplement délicieux. C’est pourtant son Frappato que je préfère.

Le Il Frappato, frais, pimpant, aux arômes de framboise, de fraise des bois sicilienne et de cerise, avec des tanins plus que discrets et une belle acidité, est un vin irrésistible. Il a de la personnalité, du swing, même s’il est de corps moyen, presque léger. Une fois la bouteille ouverte, il est difficile voir impossible de ne pas la finir. Il y a quelques vignobles qui vinifient du Frappato en solo dans la région de l’Etna mais je n’ai pas eu l’occasion d’y gouter.

On boit du rosé? Non ou si peu mais du rosato, du vin rouge léger, des vins dont  la macération et la fermentation ont été raccourcies pour réduire la matière et le niveau d’alcool. Des vins de soif qui remplacent très bien le rosé.

Et les vins doux? Formidablement bons, surtout ceux de l’île de Pantalleria, à partir de Zibibbo, en passito, i.e. en raisins séchés pour concentrer le sucre. Le Zibibbo n’est rien d’autre que du Muscat d’Alexandrie. D’autres régions font aussi du vin doux avec l’approche « passito », avec du Zibibbo principalement. On en trouve à Marsala, à Vittoria, dans la région de l’Etna et ailleurs en Sicile. Pas tous bons évidemment. Le Marsala dolce superiore, un vin d’assemblage dont j’ai parlé abondamment dans un texte précédent, est exquis lorsque fait par une bonne maison. Voilà.

De bons producteurs, dans des registres différents : Planeta, COS, Donnafugatta, Arianna Occhipinti, Tasca Almerita, Marco de Bartoli, Fratelli Buffa, Spadafora.

Suivra bientôt un texte de conclusion sur ce voyage de 18 jours en Sicile.


1)   Denominazione di Origine Controllata : DOC
2)   Indicazione Geografica Tipica : IGT, Vins de pays
3)   Denominazione di Origine Controllata e Garantita : DOCG
4)   Ou Insolia.