Deuxième partie de :
La mer est généreuse envers la Sicile, la VIGNE aussi...
Je l’ai déjà
écrit, la Sicile dispute à la Vénétie et
aux Pouilles la place du plus gros producteur de vin d’Italie. Quantité ne rime
pas souvent avec qualité. C’est vrai, ici comme ailleurs.
En Sicile, seuls
5 % de la production de la région se font
en DOC (1) ou en IGT (2), les deux appellations qui garantissent la
qualité sinon l’authenticité des vins, exception faite de la très prestigieuse
DOCG (3), rare et convoitée. Une seule sur l’île, le Cerasuelo di Vittoria.
Tout le
reste de la production est un peu à l’avenant, souvent en vrac, et ne rejoint
peu ou pas le circuit des « ristorante, pizzeria e tratoria » non
plus que les chemins de l’exportation. Concentrons-nous sur le 5% du haut de la
pyramide de qualité...
On mange
beaucoup de poissons et de fruits de mer, on produit donc beaucoup de vins blancs;
60% de la production totale. Le Grillo,
le Grecanico, l’Inzolia et le Muscat
d’Alexandrie sont les cépages les plus utilisés, avec l’inévitable Chardonnay que l’on retrouve partout
dans le monde, ou presque… Mais c’est vraiment le Catarratto, un cépage très aromatique, qui domine largement et qui joue incidemment un
rôle essentiel dans la fabrication du Marsala. C’est le cépage le plus cultivé
dans l’île. Produit en mono cépage ou assemblé avec d’autres, il donne des vins
de qualité variable, parfois fort bons.
Les niveaux
d’acidité des vins blancs sont habituellement bas, ils sont parfois mous,
chaleur oblige. Les vins de Grillo sont
sympathiques, sans histoire, dotés d’une souplesse gastronomique intéressante
mais ils manquent souvent de fraicheur. Le Grecanico,
qui s’apparente au Garganega du
Veneto, est plus rare et produit des vins corrects sans plus. Pourtant, la
maison COS fait un beau vin en l’assemblant avec le cépage chouchou des
oenologues siciliens, l’Inzolia(4).
En blanc, l’Inzolia est le leader qualitatif
incontesté, le cépage louangé, surtout en assemblage, le plus fréquemment avec
le Catarratto ou le Grillo. La version mono cépage est pour
amateur averti avec des finales en amertume importante, un caractère souvent « oxydatif »
qui donne à la palette aromatique des parfums de noix et d’amandes parfois
lourds. On aime ou bien on n’aime pas. Moi je n’aime pas trop, du moins ceux
que j’ai goutés.
Enfin, il y a bien quelques cépages rares comme l’albanello avec lequel Melle Arianna
Occhipinti fait son SP 68 blanc, agrémenté de Muscat d’Alexandrie. Pas encore concluant à mon avis.
Vous aurez
sans doute compris que je manifeste un enthousiasme modéré pour les vins blancs
de Sicile mais les rouges j’adore.
Deux
cépages autochtones font ma joie; le Frappato
et le Nero d’Avola. Le premier pousse
surtout dans la région de Vittoria où il contribue à l’assemblage du Cerasuelo
di Vittoria en s’ajoutant au Nero d’Avola
planté partout en Sicile. Ce dernier participe à presque tous les assemblages
dignes de mention dans l’île, avec du Frappato,
du Nerello Mascalese ou du Perricone. Il est aussi produit avec
succès en mono cépage.
L’excellent
Rosso del Conte de la prestigieuse maison Tasca d’Almerita à Regaleali est un
bel exemple de Nero d’Avola de
qualité. Il est d’ailleurs disponible dans les SAQ-Sélection. Planeta en fait
un très bon ainsi qu’un Cerasuelo di Vittoria. Les Occhipinti, Arianna dans
son azienda et son oncle Guisto de la
maison COS en produisent et le Siccagna (100% Nero d’Avola) de Melle Occhipinti
est tout simplement délicieux. C’est pourtant son Frappato que je préfère.
Le Il Frappato, frais, pimpant, aux arômes
de framboise, de fraise des bois sicilienne et de cerise, avec des tanins plus
que discrets et une belle acidité, est un vin irrésistible. Il a de la
personnalité, du swing, même s’il est de corps moyen, presque léger. Une fois
la bouteille ouverte, il est difficile voir impossible de ne pas la finir. Il y
a quelques vignobles qui vinifient du Frappato
en solo dans la région de l’Etna mais je n’ai pas eu l’occasion d’y gouter.
On boit du
rosé? Non ou si peu mais du rosato, du vin rouge léger, des vins dont la macération et la fermentation ont été
raccourcies pour réduire la matière et le niveau d’alcool. Des vins de soif qui
remplacent très bien le rosé.
Et les vins
doux? Formidablement bons, surtout ceux de l’île de Pantalleria, à partir de
Zibibbo, en passito, i.e. en raisins séchés pour concentrer le sucre. Le
Zibibbo n’est rien d’autre que du Muscat d’Alexandrie. D’autres régions font
aussi du vin doux avec l’approche « passito », avec du Zibibbo
principalement. On en trouve à Marsala, à Vittoria, dans la région de l’Etna et
ailleurs en Sicile. Pas tous bons évidemment. Le Marsala dolce superiore, un
vin d’assemblage dont j’ai parlé abondamment dans un texte précédent, est
exquis lorsque fait par une bonne maison. Voilà.
De bons
producteurs, dans des registres différents : Planeta, COS, Donnafugatta, Arianna
Occhipinti, Tasca Almerita, Marco de Bartoli, Fratelli Buffa, Spadafora.
Suivra
bientôt un texte de conclusion sur ce voyage de 18 jours en Sicile.
1) Denominazione
di Origine Controllata : DOC
2) Indicazione Geografica Tipica : IGT, Vins
de pays
3) Denominazione
di Origine Controllata e Garantita :
DOCG
4) Ou Insolia.