samedi 26 novembre 2011

La Syrah

Malgré une hausse marquée de sa popularité depuis une vingtaine d’année et son omniprésence en terre australienne; malgré sa contribution essentielle dans les assemblages réputés des vignobles du Sud de la France et son rôle de « Star » depuis la découverte des magnifiques vins du nord de la Vallée du Rhône, la Syrah reste souvent énigmatique et un peu étrangère aux amateurs de vins qui nombreux se cantonnent dans le Bordelais ou la Bourgogne, la Californie, l’Espagne du Tempranillo, ou l’Italie du Sangiovese et du Nebbiolo.
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Nous sommes dix autour de la table. Le Montlouis sur Loire de François Chidaine a aiguisé nos papilles. Onze bouteilles de Syrah ou de Shiraz nous attendent; de l’Australie, de l’Afrique du Sud, de la Californie, de l’Espagne et de la France, bien entendu, sa terre d’origine, là où elle trouve sa plus belle expression.

J’ai tenté de réunir des bouteilles qui donnent un aperçu diversifié et de qualité de ce que produit ce raisin magnifique. La dégustation se fait à l’anonyme, et l’identité des vins est divulguée à la fin de chaque série.

La première série
On attaque avec l‘exubérant et joyeux « Le Pousseur » 2007 de l’excentrique californien Boony Doon que plait et plaira d’avantage lorsque les convives connaîtront son prix doux de 24$. Pour une fois que le premier vin n’est pas assassiné. Ça commence bien. Suit le beau vin du petit vignoble d’Adélaïde Hills, le Ngeringa 2006 des jeunes vignerons australiens Janet et Erinn Klein, un vin classique malgré la jeunesse des vignes qui lui donne un petit côté vert, assez inhabituel dans un Shiraz d’Australie. Les convives le garderont jusqu’à la fin et il tiendra sa place  avec modestie aux côtés des belles syrahs du monde.

On enchaîne avec deux produits des Vins de Vienne; le Sonatum 2009 et le Saint-Joseph 2005. Les deux font bonne figure mais les qualités gastronomiques du Saint-Joseph feront merveille avec les charcuteries qui suivront la deuxième série.

La deuxième série
Dès le premier contact avec l’Austin Hope 2005, les dégustateurs rejettent le vin dans un grand mouvement d’unanimité. Il est déséquilibré, aux arômes de goudrons et de caoutchouc brûlé, un vin qui va dans toutes les directions. J’y avais goûté il y a quelques années et il ne m’avait pas paru aussi quelconque. D’ailleurs, deux des personnes présentes le connaissaient bien et furent surpris d’apprendre que la bouteille honnie de cette dégustation était la Syrah de la famille Hope.

Le Calzadilla, un Vino de la Tierra de Castilla en Espagne, ramène l’intérêt de la table par ses arômes de fruits noirs, cassis, mûres et cerise, son milieu de bouche élégant, un peu fumé, et sa belle finale poivrée avec une touche d’épices. Pas mal pour un vin de 30$.

Le puissant et spectaculaire vin du sud-africain David Trafford, gagnant du meilleur vin de l’année 2010 toutes catégories confondues selon le prestigieux Guide Platter’s, tient ses promesses. En millésime 2008 il est jeune, très jeune. Ses tannins sont fermes mais son acidité, ses arômes intenses de fruits noirs qui voisinent avec des notes légères de torréfaction, du poivre blanc, en font un vin équilibré, appelé à vieillir longtemps. On ne sent pas la chaleur de ses 16% d’alcool.

Le Stork  2005 de la maison sud-africaine Hartenberg ferme la marche avec brio. Plus classique, plus de finesse, des tannins déjà fondus, plus léger en alcool aussi, il est plus accessible que son compatriote mais moins prometteur. Les deux vins sud-africains démontrent de belles qualités gastronomiques mais c’est le vin de Trafford qui règnera en maître avec les aliments, dominant même les vins de la Vallée du Rhône.

La troisième série
Le Cornas Les Ruchets 2003 ouvre la marche, suivi de la Côte-Rôtie 2006 « Clusel-Roch » de JL Colombo, et de la prestigieuse cuvée « The Factor » 2006 du génial Australien Tobreck. Wow! Trois  superbes expressions de la Syrah qui, ajoutées aux deux sud-africains, composent un quintette magnifique. Le Torbreck est le plus complexe et le plus nuancé des cinq, ce qui étonne d’un Shiraz d’Australie. Les deux vins de la Vallée du Rhône sont appréciés à juste titre et démontrent aussi de belles qualités gastronomiques.

Le vin de Torbreck disputera le statut de vin préféré de la soirée à la Syrah de David Trafford qui l’emportera finalement parce que deux fois moins cher. On se dira aussi que les deux vins modestes de Bonny Doon et du vignoble australien Ngeringa représentent de loin le meilleur rapport qualité/prix avec le Saint-Joseph des Vins de Vienne.


Les dégustateurs se quittent vers 23h.



mardi 22 novembre 2011

Une incursion en Barolo et Barbaresco

Je dis souvent que les dégustations dites techniques sont cruelles et hier n’échappait pas à la règle.

Les six membres du Club présent avaient choisi de faire un tour du côté du Piémont en privilégiant les Barolos et les Barbarescos. On pouvait aussi apporter une bouteille en appellation plus générique « Langhe », car de plus en plus de producteurs de cette région choisissent d’abriter leurs Barolos et Barbarescos sous ce parapluie plutôt que de se soumettre aux contraintes des DOCG (denominazione de origina calificada y garantita) qui sont importantes en Italie.

Pourquoi cruelle? Parce que dès l’alignement des 6 bouteilles par Conrad, l’un des deux Barbaresco, celui de Pio Cesare en millésime 2006, se révèle ultra boisé, aux arômes de goudron et de pneu calciné qui occultent tout le reste. Un vin très déséquilibré. Une surprise aussi, car la maison Pio Cesare a une belle réputation. Les dégustateurs font fi des conventions et envoient la quille de Monsieur Cesare en fin de ligne. Je vous le dis, dure, dure les dégustations.

Je vous rappelle que ces vins du Piémont sont faits à partir du cépage Nebbiolo, un raisin capricieux, difficile à saisir et à faire évoluer, qui voyage mal, mais qui donne des vins magnifiques une fois apprivoisé et domestiqué par les vignerons et Maître de Chais de cette région du nord-ouest de l’Italie.

Le Premier vin est un Barbaresco 2006 des Produttori del Barbaresco, une des belles coopératives du Piémont. Il est réussi même s’il tarde un peu à se révéler à cause de sa jeunesse. Son  séjour dans le verre nous amènera à découvrir de beaux arômes fruités et fleuris, un peu de fumée, une pointe de réglisse, une belle structure tannique en voie de se fondre. Il sera l’un des préférés.

Le Barolo 2007 de Prunotto suit. De confection plus traditionnelle, privilégiant plus l’opulence et la concentration que l’élégance, il offre peu au nez et à la bouche. Fermé comme une huître, il se laissera deviner et à peine au cours de la soirée. Un vin à laisser dormir dans une cave pour au moins une décennie.

Le Barolo Bussia Dardi Le Rose de la maison  Poderi Colla en millésime 2001 fait son entrée, classique, jeune malgré ses dix ans, les tannins un peu serrés, cerise, goûte de vanille, du cuir, un côté terreux … Une belle finale. Un vin qui va se bonifier en vieillissant.

La star de la soirée se présente, « Il Favot Langhe » d’Aldo Conterno en millésime 2006, une DOC Langhe. Dès l’entrée en bouche la puissance des tannins surprend, mais vite  il s’adoucit, montre de la finesse en milieu de bouche. Sa finale est toute en longueur et subtilité. Des arômes de réglisse, une touche de goudron, légère,  qui fait un contrepoint aux fruits noirs, un peu de bois, mais intégré, une belle acidité. Un équilibre étonnant entre puissance et délicatesse. Il fait honneur à la brillante réputation d’Aldo Conterno. Un vin superbe.

Le cinquième vin ramène un peu de lustre à Pio Cesare, dont le Barbaresco a été solidement écorché par les convives en début de soirée.
Son Barolo 2001 est correct, bien même, avec du bois, mais intégré; des tannins fondus, des arômes assez classiques de prunes, de fruits noirs et de réglisse et légèrement terreux, dans le style espagnol… Pas un «hit» mais apprécié.

Certains parmi nous revisitent le Barbaresco de Cesare en vain.

Puisque Conrad et Olivier sont particulièrement versés dans l’art d’accorder vins et mets, je les laisse commenter les qualités gastronomiques des vins sur ma page Facebook.

La liste des vins en ordre de préférence:.

1) Il Favot Langhe, Poderi Aldo Conterno 2006;

2) Barolo Bussia Dardi Le Rose, Poderi Colla, 2001
3) Barbaresco des Produttori del Barbaresco, 2006
4) Barolo, Pio Cesare, 2001
5) Barolo, Prunotto, 2007
et
6) Barbaresco, Pio Cesare, 2006 (rejeté)

mardi 15 novembre 2011

Le Jugement de Paris revu par le Club des Finaud

Nous étions neuf hier pour revivre un peu le Jugement de Paris de 1976 où les vins californiens avait été mieux évalués que les grands vins français par un jury presque exclusivement composé d’experts français. En blanc, c’est le Château Montelena 1973, vallée de Nappa  qui l’avait emporté par une assez bonne marge alors qu’en rouge c’est le Stag’s Leap Wine Cellar 1973 qui avait coiffé de peu le Château Mouton Rothschild et le Château Haut-Brion.

Nous ne referons pas le débat sur le mérite de ce genre de dégustation. Nous étions là pour nous amuser et voir où nos goûts et notre expertise nous mèneraient.

En blanc nous avions dans l’ordre :
- le Meursault 2008 d’Olivier Leflaive;
- le Puligny-Montrachet, Premier cru Les Referts 2008 de Vincent Girardin;
- le Château Montelena 2008m chardonnay de la Vallée de Nappa,
   le grand gagnant en 1976 à Paris;
- le Grgich Hills Estate 2008 de la Vallée de Nappa.

En rouge, dans l’ordre :
- le Cabernet-sauvignon, Stag’s Leap Winery 2006, Vallée de Nappa,   
  le vignoble dont une des cuvées avait remporté la palme à Paris;
- le Château Malartic Lagravières, un Pessac-Léognan 2006;
- le Cabernet-sauvignon Grgich Hills estate 2007 de la Vallée de Nappa;
- le Château Montrose, un Saint-Estèphe 2006, Medoc.

Disons tout de suite que les dégustateurs ont eu plus de difficultés à distinguer les américains des français en blanc. Finalement c’est le Grgich de Nappa qui a reçu la faveur des dégustateurs devançant par un nez ou deux le Puligny-Montrachet, suivis du Château Montelena de Nappa et le Meursault de Leflaive fermant la marche. Fait à noter, c’est ce même Mike Grgich qui avait vinifié le  Montelena 1973, gagnant à Paris en 1976. Les trois premiers furent tout de même très appréciés des dégustateurs.

En rouge, la plupart des convives ont identifié les vins selon leur origine et le classement fut un peu différent car le Château Montrose, un  « deuxième cru classé » selon  la classification de 1855, a devancé tous les autres de manière décisive. Ensuite, le Stag’s Leap californien pointait à distance, suivi tout près par le Cabernet-sauvignon de Grgich et fermant la marche, décevant, le Château Malartic Lagravière, un Grand Cru classé de Graves que les amateurs de ce vin ne reconnaissaient pas. Il n’avait pas de défauts identifiables; aucune piqure lactique ou ascétique, pas de bouchon, mais un manque flagrant d’harmonie et une lourdeur inhabituelle.

Voilà. Ce fut très amusant, sans prétentions et nous avons reçu une belle leçon d’humilité comme c’est souvent le cas en dégustation à l’anonyme.


samedi 12 novembre 2011

Une aventure en rouge avec le Club "2 Gars des Filles"


Le groupe est sage ce soir, contrairement à ses habitudes. Trois des membres réguliers sont absents. Deux sont coincés dans l’Himalaya en attente d’un avion qui osera braver le mauvais temps. Une autre visite l’Australie. Deux invités ce soir, deux hommes, ce qui change temporairement la nature du groupe puisque hommes et femmes sont presque à parité.

La dégustation de ce soir est un peu spéciale, puisque nous alignons 11 bouteilles de diverses origines en vue d’ouvrir les horizons des convives, de présenter des vins qui n’ont pas souvent l’occasion d’être dégustés parce qu’ils proviennent de cépages ou de régions moins connus, ou encore de régions davantage fréquentées pour leurs blancs. C’est une aventure, mais aussi un bazar…

Trois séries se succèdent. Les vins sont dégustés à l’anonyme et identifiés après chaque série.

La première vague comporte un Poulsard du Jura 2009, celui de la famille Rollet; une Mondeuse de Savoie 2008, la Sauvage du couple Quenard. Le Gamay de Bouze 2010, un des cépages oubliés ramenés par Henri Marionet de la Loire. Le Il Frappato 2008 de Melle Occhipinti de Sicile clôt cette série

Le Poulsard ne passe pas la rampe. Il dérange, il déroute. C’est le premier vin  et souvent la bouteille qui ouvre la soirée passe à la moulinette.  La Mondeuse est fort appréciée malgré le poivre blanc un peu envahissant de son nez. Le vin est jugé droit, simple et agréable. Le Gamay de Bouze, un Gamay à haute intensité, est controversé. Certains adorent, surtout les amateurs de Beaujolais, d’autres détestent. Le « Il Frappato », un cépage originaire de Sicile, impressionne par sa complexité aromatique, une bouche dense, riche, dotée d‘une belle longueur. Au final, ce sont ses grandes qualités gastronomiques qui séduiront tout le monde.

La deuxième vague propose un Cabernet Franc de la Loire, un Chinon, le Château Lagrille 2005, qui fait bonne figure sans plus. Il est bon pourtant, mais un peu tannique et haut en alcool (14.5%) pour un vin de cette appellation. Puis le Malbec 2006 de la maison argentine Catena, retient un peu plus l’attention malgré la présence perceptible des sulfites au nez. Ils s’estomperont après quelques minutes.
Enfin Le Côte du Roussillon 2008, les « Quilles Libres », fait de Grenache, de Syrah et de Carignan, tient bien la route. Cette série, plus conventionnelle que la précédente, soulève moins les passions et anime moins les discussions.

La troisième vague est relevée. On ouvre avec la cuvée classique 2006 du Domaine Tempier, un des beaux vins de l’appellation Bandol en Provence, fait avec du Mourvèdre, du Grenache, du Cinsault et une touche de Carignan. C’est suivi du Carménère 2008 de la maison chilienne Lapostole, du Château Lamartine, cuvée expression 2005, un Malbec du Cahors. Enfin, fermant la marche  la cuvée Prestige du Château Montus 2001, un Madiran du Sud-Ouest de la France comme le Cahors, fait essentiellement de Tannat.

Le Tempier est beau, classique, moins en puissance que d’autres vins de cette appellation privilégiant la finesse et la subtilité. Le Carménère est dense, charnu, aux fruits plutôt noirs un peu « compotés », tannique, pas très complexe, mais plaisant et surtout beaucoup trop jeune. Le Cahors est superbe, intense, fruits noirs un peu acidulés, des tannins présents, mais au grain fin, une bouche droite, pleine avec une finale qui dure et s’éteint lentement et en harmonie. Bel équilibre. Il est bien jeune et se bonifiera au cours des prochains dix ans. C’est la première bouteille que j’ouvre de ce lot. J’en suis ravi.

La fin est glorieuse, car le Château Montus est vraiment à la hauteur de sa belle réputation. Plus prêt à boire que son voisin le Cahors, ses tannins sont plus fondus, l’acidité est belle et des arômes de fruits perdurent. Un bois bien intégré ajoute à la complexité aromatique ou perce des arômes tertiaires de torréfaction. La finale n’en finit plus de ne plus finir. Je ne suis pas un fan du Tannat mais ce vin je l’adore.

Disons en terminant que le Cahors, le Madiran, le Tempier, le Malbec argentin se sont révélés les plus gastronomiques, avec le Frappato qui fut le plus versatile.