jeudi 23 février 2012

Le PINGUS, un vin IMMENSE.


Grande déception hier. Peter Sisseck, ce danois un peu excentrique qui fait du vin depuis 20 ans en Espagne n’y était pas. Il a plutôt choisi de se rendre au « Wine Festival » de Vancouver. Shocks! Nathalie Bonhomme, sa responsable de la distribution et de la commercialisation des produits Pingus le représentait. Une québécoise qui vit en Espagne depuis 20ans et qui représente plusieurs grandes Bodegas espagnoles. Gentille, charmante, compétente, qui faisait de son mieux pour nous présenter les trois vins en dégustations mais ce n’est pas comme si…

Chez Pingus, Sisseck a la main sur tout. Il connaît ses terroirs comme le creux de sa main, les caractéristiques et la qualité de ses sols, l’âge et la productivité de ses vignes. Il travaille dans le plus grand respect de la nature, en totale « biodynamie ». Pourtant, dès que les raisins entrent dans le chais, il a recours aux technologies les plus modernes, mais il conserve l’approche des fermentations alcooliques et malolactiques spontanées, i.e sans levures ou intrants ajoutés.

C’est en Ribera del Duero, qu’il s’est installé, comme directeur technique de la Cave Hacienda Monasterio où il est toujours. Mais c’est vraiment plus tard que sa grande aventure a commencé, en créant son propre vignoble, le Dominio de Pingus, sur les hauteurs de la Horra, là où l’on trouve des vignes de Tempranillo (Tinto del Pais) qui ont plus de quatre-vingts ans.

Son Pingus est vite devenu un vin recherché, prisé, lorsqu’en 1998 Robert Parker le sacrât   « Le plus grand jeune vin rouge qu’il n’ait jamais bu », tout en lui accordant 98/100. Ce fut le début de la gloire et du succès. Ce fut aussi le début de la rareté de ce grand vin puisqu’on en fait pas plus de  5 000 bouteilles chaque année (souvent moins), comme le Romanée Conti d’ailleurs.

Les trente chanceux qui ont obtenu leur place à la loterie ont pu le déguster ce Pingus hier, en même temps que les deux autres cuvées du domaine.

Le vin d’entrée de gamme, PSI 2009, est fait exclusivement de tempranillos produits par divers  vignerons des vallées de Gromejon et Perales , deux terroirs de qualité situés entre 800 et 950 mètres d’altitude au dessus du Duero, ce qui est élevé pour l’Europe.

Bel équilibre, aromatique, fruits rouges, un peu d’épice, du bois mais pas trop obsédant,  des tannins présents mais souples, de l’acidité, donc de la fraicheur, très chaud malgré un degré modéré d’alcool de 13,5%. Le milieu de bouche est un peu maigre et la finale un  peu courte. Encore jeune, il se bonifiera durant 5 à 10 ans mais pas beaucoup plus. Dans le marché des vins espagnols, il est peut-être un peu cher à 40.50$. Il y en a de disponible dans le réseau de la SAQ. J’en ai tout de même acheté trois bouteilles.

Le FLOR de PINGUS est un vin plus connu, moins récent que le précédent. Jusqu’à tout récemment il se vendait 69.00$, une véritable aubaine pour un vin de cette qualité. Le millésime 2009 que nous avons gouté se vendra 104,00$ en octobre prochain. À ce prix ,la compétition mondiale est forte. Une chose étonnante avec les trois vins dégustés hier, le nez s’ouvre rapidement dans le verre  livrant ses arômes avec enthousiasme, ne révélant que timidement la jeunesse du vin, alors que la bouche reste plus fermée, plus dense.

Des arômes de fruits noirs, puis des épices (muscade, cardamome), puis du bois de santal et un début de torréfaction (café léger) ce qui surprend pour un vin si jeune. Complexe, disposé à livrer beaucoup plus dans 10 ou 15 ans, une droiture impeccable du début de bouche jusqu’à la finale qui est longue et étoffée. Un vin charnu, qui a du corps, des tannins agressifs qui se calment rapidement après l’entrée en bouche, livrant un peu plus de sa beauté. Il est fait à 100% de raisins de tempranillo qui proviennent des vignes du vignoble de Sisseck à La Horra-Roa. En achèterais-je en octobre plutôt que des 1er Crus de Bourgogne ou des beaux vins de la Rhône septentrionale à des prix comparables?  Pas certain.

Enfin, le PINGUS, ce PINGUS tant admiré par Parker est versé dans nos verres. Il est tout simplement magnifique, un géant, tous pays et toutes catégories confondus. Nez immense, complexe aux couches successives d’arômes de fruits très noirs, de prunes, d’épices, d’eucalyptus… Une bouche dense, expansive, aux tannins intenses mais soyeux, un bois discret et intégré, un milieu de bouche extraordinaire de plénitude, et une finale d’une grande harmonie et d’une longueur qui n’en finit plus de finir. Un équilibre, une harmonie impeccable.

Je manque de mots pour décrire mon admiration, mon plaisir et l’émotion  ressentie à déguster cette merveille. Un beau moment dans ma vie de fou du vin. Pourtant, c’est encore un bébé, vendangé en 2008 qui sort à peine des chais de Sisseck.

Je n’aurai sans doute plus l’occasion de goûter à ce vin à 743.75$ la bouteille. Un prix sensiblement comparable à l’Ermita, le grand vin du Priorato d’Alvarao Palsacio et deux fois plus cher que l’« Unico » de Vega Sicilia en Ribera del Duero, les deux autres stars de l’Espagne vinicole moderne.


Gracias a la vida.


mardi 14 février 2012

Un "touch and go" en Espagne avec le Club des Finauds

 L’Espagne a le plus grand vignoble du monde et se situe au troisième rang des pays producteurs. Des régions évocatrices; Rioja, Ribera del Duero, Priorato, Bierzo, Rueda, Rias Baixas, Penedes. 


J’ai beaucoup fréquenté l’Espagne à la fin du siècle dernier en même temps  que j’explorais à fond le nouveau monde. J’aimais le côté terreux des vins rouges, l’originalité et la pugnacité variée des Jerez . Il y a de grands vins en Espagne et de grands domaines : Vega Sicilia, Alvaro Palacios, son Ermita et ses grandes cuvées du Bierzo, Dominio de Pingus avec ses cuvées Pingus  et Flor, entre autres.

Notre groupe était donc fort content que Jérôme ait choisi d’explorer un peu de cette Espagne tout en nous faisant jouer aux dégustateurs. Le choix s’est porté sur la région Ribera del Duero, un des vignobles moyens en superficie  (17 000 hectares) mais très prisé en terme de qualité, et le petit Priorato avec ses 1650 ha, un des vignobles en vogue depuis une dizaine d ‘années.

Première série
Quatre vins du Duero pour commencer dont un seul est un assemblage. Les trois autres sont en totalité ou en totale dominance issus du cépage principal de cette région et du Rioja; le Tempranillo. Vous comprendrez qu’il faut trouver l’assemblage.
Les vins alignés, nous l’apprendrons à la fin de l’exercice sont :
-       le Valbuena 5.0 2003, deuxième vin du Domaine Vega Sicilia;
-       l’Arzuaga Reserva 2006;
-       l’Alion 2004, autre vin du Domaine Vega Sicilia
-       et enfin, le Tinto Pesquera 2004 d’Alejandro Fernandez.

Tous les vins étaient beaux sauf peut-être l’Alion qui avait un côté sanguin, viandeux, presque « bretté » un peu inhabituel pour ce domaine et ce vin particulier. Cela dit, j’étais à peu près le seul que cela dérangeait vraiment. Par ailleurs, cela le faisait se distinguer des autres ce qui a amené plusieurs convives à le choisir comme assemblage.

Une seule personne a identifié  le Vega Cecilia comme vin d’assemblage et peu  l’ont choisi comme vin préféré malgré l’énorme réputation des vins de ce domaine mais à l’aveugle il arrive souvent que les plus grands vins ne reçoivent pas les égards qui leurs sont dus.
La plupart se sont  tournés vers l’Arzuaga ou le Pesquera, plus classiques, plus dans la palette traditionnelle des vins du Ribera del Duero.

Deuxième série
Le Priorato est le domaine des assemblages avec la Granacha en principal, le Grenache, le même que l’on retrouve en dominance dans le sud de la France, en Rhône méridionale et dans le Languedoc-Roussillon. Il y a trois vins du Priorat : le Dofi 2009, deuxième vin d’Alavaro Palacios; le Miserere 2004 et le Galena 2006 du Domini de la Cartoixa. Un intrus s’y trouvait : le Cabernet- sauvignon 2005 du californien de Nappa, Joseph Phelps. Presque tous les dégustateurs l’ont identifié à cause de son velours, son caractère soyeux. Bien peu aurait pensé que ce « pirate »  venait de la Californie tant il était aimable, presque facile. Plusieurs l’ont choisi comme leur vin préféré de la série. Le Galena aussi même si c’est le plus modeste des trois vins du Priorato sur la table.

Épilogue
Une belle dégustation intéressante. On a rendez-vous en mars pour une dégustation de vins portugais préparée par Carole qui est allée au Portugal il y a quelques mois. J’ai hâte car voilà une région que je connais peu, que je connais mal.

samedi 11 février 2012

TOSCANA, TOSCANA

La cour arrière de l’immeuble de Max-Eric est une véritable patinoire. Son balcon arrière qui nous permet d’accéder à son appartement du deuxième étage l’est aussi. Mon épaule amochée qui devrait être en bandoulière et la fragilité des sacs remplis de verres de dégustation ne rend pas l’exercice facile. Il faut aussi monter les vins, les crachoirs, les nappes et les serviettes, la documentation etc. Heureusement, Hélène et Max-Eric me prêtent main forte.

Les convives tardent. L’immeuble de Max-Eric a des clones le long de la rue du Bord du Lac à Lachine dont deux sont des copies quasi conformes; même hauteur,  même style architectural, mêmes couleurs, situés en coin de rue, mais à des centaines de mètres les uns des autres, Certains dégustateurs en ont fait un d’autres deux avant de trouver le bon. Et mon téléphone portable qui était sur vibration, enfoui dans les poches de mon manteau, à l’arrière de la maison. Enfin, tout le monde y est. Il est 20h00 heures et on déguste le délicieux Franciacorta Brut de la maison Antica Fratta en Lombardie qui produit l’un des beaux mousseux d’Italie. On peut s’asseoir et entreprendre la dégustation de vins de Toscane.

La première série qui circule donne une idée des vins modestes mais intéressants issus de cette région. Un Chiant Rufina 2008, un Rosso di Montalcino 2006 , une IGT le La Massa 2007 et un Colline Lucchesi 2009.

Le Chianti est simple, aromatique, fruité et floral. Sympathique sans plus. Le Rosso en donne un peu plus en complexité mais excite peu la table. Dommage, moi j’aime bien. Le Massa nous amène dans une autre dimension, plus étoffé, plus complexe avec une belle finale assez longue et une droiture qui étonnent pour un vin de moins de 30.00$. Enfin le Colline Lucchesi, plus doux, plus délicat, aux arômes discrets mais complexes séduit tout le monde.

À peine 40 minutes de passer et on  attaque déjà la deuxième série. Les convives ont faim pour forcer l’allure de cette façon. J’annonce qu’on va bouffer les légumes, les « pasta », les « antipasto » et les charcuteries après cette série. Le tempo ralentit. Fiou!!!!

Le Bogheri superiore 2005 ouvre la marche, suivi du Morellino di Scansano Riserva 2007 et d’un excellent Vino Nobile de Montepulciano 2006. Les trois plaisent mais c’est surtout le Vino Nobile qui retient l’attention et qui se révèlera l’un des préférés de la soirée. Dense, complexe,  avec du corps et une finale étoffée, d’une belle longueur. Un beau vin, équilibré, qui peut vieillir encore longtemps tout en se bonifiant.

On mange, tel que prévu et le « Bolgheri »,  le « La Massa » et le « Vino Nobile » démontrent de belles qualités gastronomiques. Les autres vins atteignent  rapidement leurs limites. C’est le Vino Nobile qui se montre le plus flexible.

Arrive la dernière série, celle  des vins les plus intéressants. Elle tient ses promesses.
Le super toscan Promis 2002 du piémontais Gaja est formidable de finesse et de délicatesse. Un nez aromatique et complexe, une bouche suave et soyeuse avec une finale interminable. Wow! Suit l’époustouflant Chianti Classico de la maison Fontodi, un 2006, grande année en Chianti et en Toscane. Intense, puissant, volontaire, avec une droiture et une constance du début  jusqu’en fin de bouche avec un milieu spectaculaire et charnu. Les tanins sont fermes mais au grain fin, l’alcool élevé mais on ne le sont pas tant il est harmonieux. Une belle illustration de ce que l’on peut faire avec du sangiovese. Enfin, le beau mais trop jeune Brunello di Montalcino de la maison Argiano, également du millésime 2006. Il est rempli de promesse, racé, altier; l’expression d’une des plus belles appellations d’Italie. On est comblé, par une superbe série finale.

Les stars de la soirée, dans l’ordre :
Le Chianti Classico, Le Promis, le Brunello et le Vino Nobile.

LA LISTE DES VINS
Franciacorta Brut, Antica Fratta de Lombardie  12%                                              33.00$
1) Chianti Rufina, DOCG, Nipozzano Riserva 2008  13.5%                                    23.15$
2) Rosso di Montalcino, DOC, Argiano 2006,  14%                         
27.25$
3) Colline Lucchesi,. DOC, Palistorti di Valgiano 2009  14%                                    26.25$
4) La Massa, IGT 2007, Sangiovese, Merlot, Cabernet Sauv.  13.5%            
28.90$
5) Bolgheri superiore, DOC, Arnione 2005 14%                                                            44.50$
6) Morellino di Scansano, DOCG, Riserva, Moris 2007,  14%                                    33.50$
7) Vino Nobile de Montepulciano, DOCG, Poliziano, 2006 14.5%                        49.75$
8) Chianti Classico, DOCG, Vigna del Sorbo, Fontodi 2006 14.5%                        56.25$
9) Carmacanda, Promis , IGT super toscan, Gaja 2002 13.5%                       
56.25$, Merlot, Syrah, Sangiovese
10) Brunello di Montalcino, DOCG, Argiano, 2006 14%                                    58.00$







vendredi 10 février 2012

D'OÙ VIENNENT LES SUPER TOSCANS?

De la Toscane en Italie me répondrez-vous. Oui, mais encore?

Pour comprendre ce phénomène, il faut se rappeler que les italiens sont farouchement indépendants et souvent réfractaires aux contraintes qui briment leur liberté et leur créativité.  Or, le système des appellations contrôlées de l’Italie, comme celui de la France et de l’Espagne ont des exigences fort  élevées pour quiconque se réclame d’une appellation spécifique comme « Chianti Classico » ou « Barolo » ou encore « Amarone della Valpolicella ».

Il y a seulement le ¼  de la production totale de vin en  Italie qui sont sous le parapluie des appellations contrôlées de qualité : DOC, Denominazione di Origine Controllata; ou DOCG, Denominazione di Origine Controllata e Garantita. Par contre, le Vino de Tavola (vin de table), catégorie où les exigences sont minimalistes, comprend à elle seule  la ½  de la production totale. Très italien n’est-ce pas? Où est l’autre ¼?

Au milieu des années soixante-dix, alors que la Toscane et quelques autres régions  amorcent un virage vers la qualité, quelques producteurs toscans dont les cousins Nicolo Incisa della Rochetta et Piero Antinori, développent des Vins de Table de très grande qualité, hors des normes. Le Sassicaia et le Tignanello, deviennent fort populaires chez les grands amateurs de vin de Toscane. Ils seront  suivis par les  OrnellaiaSolaia, Il Querciolaia, Brancaia, Vigorello et tant d’autres, au point qu’ils font ombrage aux grandes appellations de la Toscane telles les Brunello di Montalcino, les Vino Nobile de Montepulciano, ou les Chianti Classico.

Pris de court, le gouvernement italien veut encadrer ce phénomène. À l’image des « vins de pays » en France, il crée au milieu des années quatre-vingt-dix la nouvelle appellation, IGT, Indicazione Geografica Tipica, pour permettre aux vignerons italiens qui le souhaitent de produire à leur manière, presque sans contraintes, les vins de qualité qu’ils veulent, mais hors du fourretout peu reluisant des Vino de Tavola, les fameux vins de table italiens. En 20 ans, 120 nouvelles zones IGT sont créées dans la foulée des 6 IGT de Toscane. Voilà où est le dernier ¼ .

Les Super Toscan sont tous produits en IGT dont certains atteignent des prix qui dépassent parfois ceux des plus grandes DOC et DOCG du Piémont, de la Vénétie et de la Toscane, les trois régions reconnues pour la qualité de leurs vins.

Attention, tous les « Super Toscans » sont en IGT mais toutes les IGT de Toscane ne sont pas des « Super Toscans » à fort prix. Plusieurs sont à coûts abordables. En Toscane, les  Insoglio, Col di Sasso, Massa, Farnito, Centine, Villa Antinori, Le Volte, Santa Cristina, Dogajolo, sont moins chers et  souvent fort bons. Ils font concurrence aux DOC tels les Rosso di Montalcino et Rosso di Montepulciano ou encore les Chianti, à des prix comparables et parfois moins bons que les IGT, surtout les Chianti.

Voilà une autre belle histoire d’Italiens.

N.B. Il y a 41 DOCG (Denominazione di Origene Controlatta e Garantita), et 317 DOC, (Denominazione di Origene Controlatta), le sommet présumé de la pyramide de qualité en Italie, qui regroupent 27% de la production totale. Les 120 IGT en sont venues à représenter  le même pourcentage en un peu plus de 20 ans. Pas mal tout de même?