Les montréalais (et
montréalaises) sont agressifs au volant, c’est connu. On ne joue pas du
clignotant car si les conducteurs dans les autres voies connaissent nos
intentions, ils ne nous laisseront pas passer. Si on
peut couper la ligne de droite ou de gauche sans prévenir ou si, aux
intersections, on peut empêcher les piétons de traverser avant nous au virage,
même sur les passages piétonniers ou cloutés, on fonce. C’est la loi de la
jungle…
La littérature et les
témoignages sur la Sicile nous avaient prévenus. Attention : conduire en
Sicile c‘est périlleux. Mais on se disait (je me disais) qu’un montréalais peut
certainement s’en tirer n’importe où avec notre entrainement au combat
automobile, aux luttes camions/autos/piétons/ vélos. « Mye, mye »,
comme dirait le notaire Potiron, nous ne sommes vraiment pas au même niveau.
Parlons des routes. Il y a
des autoroutes, le seul endroit où un automobiliste peut se sentir en sécurité
(ou presque), si on n’essaie pas de rouler à la même vitesse que les siciliens
qui, parfois, lorsqu’ils nous passent en trombe nous donnent l’impression
d’être immobiles, même si on roule à 110
km/h. Puis les routes dites nationales, les SS, les Super Strada. Super
étroites, super escarpées, super mal entretenues, super dangereuses oui. Tout le
monde roule en fou sans trop regarder ce qui vient derrière ou arrive devant.
La règle : ON N’ATTEND
PAS, C’EST TU CLAIR! Les courbes, les montées, les passages à niveau, les
intersections… Pas de problème, on dépasse. Il y a déjà une voiture devant
nous, une qui vient en sens inverse et une autre qui la dépasse. Pfff! Pas de
problème on fonce, on dépasse aussi. Quatre voitures de front sur une route qui
en accommode à peine deux. Que les autres se tassent. Mais tout le monde pense
pareil, tout le monde joue à « chicken », tout le monde est en
formule un ou en rallye, tout le monde veut gagner et surtout, personne ne veut
reculer, personne ne veut perdre. Heureusement, personne ne veut mourir, si
bien qu’au dernier moment on trouve une façon que tout le monde passe, et ça
tient à chaque fois du miracle.
Ensuite il y a les SP, les
Strada Provinciale, qui englobent toutes routes qui ne sont pas SS, sur
lesquelles roulent des véhicules avec roues…
Ça va donc de la petite route
de campagne au chemin de pénétration en passant pas la piste qui mène… qui
mène… Qui mène en haut on ne sait où ni pourquoi. C'est drôlement montagneux la Sicile, et les routes
doivent grimper et redescendre quantité de collines, de sommets imprenables, accrochées
aux flancs ou en suspension sur la falaise. En d'autres mots, c'est pas
reposant les routes de Sicile.
Sur ces SP, on doit souvent
faire des contorsions inouïes pour croiser un autre véhicule, surtout un
autocar ou un camion de fret. On se dit, nos amis les siciliens, ils vont
ralentir, ils vont faire preuve d’une prudence minimum, démontrer un sens des
responsabilités, une conscience des autres. MAIS NON! ON N’ATTEND PAS! C’EST TU
CLAIR. Sauve qui peut que je dis à ma blonde qui est aussi terrorisée que moi.
Je veux bien dit-elle mais où?
Alors, on fait comme les
siciliens et tous les autres touristes avant nous, on s’adapte. On essaie de
prendre le rythme. On augmente son niveau de risque au centuple, on vit au bord
de l’abime, parfois littéralement. On fonce, on se ferme les yeux, on tremble
de peur, mais ON ATTEND PLUS C’EST TU CLAIR.
Attendez, ce n’est pas fini. Vous
n’avez rien vu ni rien entendu, car il y a les rues, les rues des villes, et,
parmi toutes, celles de Palermo où il n’y a qu’un seul mot d’ordre :
VAINCRE OU MOURIR.
Conduire à Palermo c’est
lutter; lutter pour passer le premier; lutter pour se faufiler entre l’étal du
fruitier ambulant et le camion de livraison; lutter pour éviter la mobylette
qui passe sur un feu rouge et la moto qui arrive en ses inverse dans notre
travée; lutter pour gagner la course au feu rouge et empêcher les autres (les
ennemis) de réussir; lutter pour chasser ces emmerdeurs de piétons hors de la
rue et du trottoir si possible; lutter pour faire un virage en U au milieu
d’une rue à quatre voies ; lutter pour gagner, triompher, éliminer les
concurrents et être le chauffeur le plus audacieux, le plus accompli de
Palermo. Oui, mais les Stop? Un simple avis comme quoi des autos peuvent venir
de côté sans crier gare et ne pas faire d’arrêt comme vous. Les feux rouges? On
les brule si on peut. Et les piétons dans tout ça? Quoi les piétons, quoi les
piétons, on les emmerde les piétons.
Palermo n’aime pas les
trottoirs. Elle en construit peu, les fait
très étroits et ne les entretient pas. Elle accepte qu’ils soient
encombrés de panneaux publicitaires, de poubelles et d’étals ambulants;
encombrés d’autos, de mobylettes et de motos en stationnement; encombrés de
cyclistes qui n’osent pas rouler dans la rue, on les comprend; encombrés de
piétons finalement qui ont à peine la place d’y être et qui doivent
régulièrement mettre le pied ou les deux dans la rue pour se frayer un chemin
au péril de leur vie.
Oui mais comment
traverse-t-on la rue? Aye, quoi, ça ne va pas. Traverser la rue?
Une seule recette qui a l’air
de fonctionner, du moins Hélène et moi sommes revenus pour en témoigner. On fait comme les vieilles dames et les jeunes
filles avec IPod, on s’engage résolument sur les passages cloutés, au feu de
circulation ou pas, les yeux droit devant, sans accorder un regard aux autos
qui freinent à la mort, avec un dédain, une indifférence totale et si possible
un déhanchement élégant et provoquant, pour les jeunes filles, ou une lenteur
exacerbée pour les vieilles dames, histoire de montrer qui est le maitre ici,
la maitresse devrais-je dire. Ça fonctionne tout le temps? Seulement et
seulement si les autos, motos et autres véhicules fous, lancés à vive allure,
ont le temps de freiner.
Vous pensez que j’exagère?
Bien au contraire. Je m’en suis tenu aux grandes lignes sans entrer trop dans
les détails, sans décrire les incidents les plus terrifiants, histoire de ne pas vous enlever
le gout d’y aller, de profiter de toutes les belles choses que la Sicile peut
offrir en sachant très bien que la sécurité physique sur les rues et les routes
n’en fait pas partie.
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