dimanche 4 septembre 2011

Chez Carone de Lanoraie, on y fait du rouge

La première chose qui frappe chez Anthony Carone c’est son regard, bleu, intense. L’homme n’est pas une mauviette. Petit, trapu et costaud, il est bâti pour « le gros ouvrage », l’ouvrage de développer un vignoble au Québec.

À la mort de son père au milieu des années 2000, il a quitté son boulot d’ingénieur pour rejoindre sa mère qui souhaitait poursuivre le travail de son mari sur les 10 hectares de vignes plantées à Lanoraie, à moins de deux kilomètres du Fleuve Saint-Laurent.

Il y a de tout sur le vignoble. Les habituels cépages rustiques qui ne donnent que des vins ordinaires en rouge : De Chaunac, Baco, Frontenac, et autres Maréchal Foch, mais aussi du Sangiovese, du Merlot, du Cabernet franc, du Pinot Noir, issus de la vigne Vinifera en laquelle Anthony a confiance pour produire les grands vins dont il rêve.

Il va à contre-courant Anthony car les chantres de la viticulture québécoise ont tendance à promouvoir les cépages rustiques développés principalement aux USA, sur la côte est, pour produire des rouges acceptables. Pas Anthony.

Nous passons deux heures dans le vignoble, accompagné de l’ami Conrad Morin, un amateur intense et connaisseur reconnu dans la collectivité des « fous du vin ». Anthony n’évite aucune question, répond directement et accepte les erreurs et les difficultés qui paraissent évidentes lorsque l’on arpente le vignoble. Il est courageux Anthony et fait des essais avec tous les cépages qu’il pense pouvoir adapter aux rigueurs de notre climat.

Je vous passe les considération œnologiques sur le comportement des cépages rustiques et ceux issus de la vigne Vinifera pour vous dire qu’il est apparu évident que le cépage Frontenac, sur lequel misent plusieurs vignerons québécois pour produire enfin un vin rouge qui a de la tenue, ne tiendra pas ses promesses. Il se développe trop vite, produit trop de raisins à l’acidité trop élevée, ses arômes sont limités et il est hyper sensible aux maladies de toutes sortes.

De retour au Chai et à la salle de dégustation, Sarah Hoodspith-Carone, la femme d’Anthony nous attend avec quelques bouteilles et des victuailles pour la dégustation de leurs 4 principaux vins, tous en rouge. Je suis sceptique car je n’ai jamais dégusté un bon rouge made in Québec. Des blancs oui, pas des rouges.

La salle est belle et aérée, Sarah a un sens inné de la relation publique et ses capacités promotionnelles sont grandes. Les bouteilles sont belles, les étiquettes sont «classes », Conrad a son attirail de verres qui ne permettent pas aux vins de mentir, nous sommes fins prêts pour la dégustation.

Le premier vin, sont entrée de gamme, le « Rosso Classico » est correct sans plus. Fait avec du Frontenac principalement auquel on ajoute du Landot et de Cabernet Sevemyi, il passe vite et révèle peu des qualités qu’on attend d’un bon vin. Son prix est doux et dans sa catégorie il n’a pas à rougir.

Arrive le fameux Cabernet Sevemyi, le vin sélectionné pour accompagner le repas servi par l’ITHQ au prince William et à sa princesse lors de leur séjour à Montréal en début d’été. Là on cause. Composé à 90% de cabernet sevemyi, un cépage développé en Russie, il est droit, charnu, aux tanins fermes mais dont le grain est fin, au boisé présent mais pas envahissant, une finale agréable de longueur moyenne. Un bon vin quoi, facile d’approche, qui va plaire à ma blonde qui aime le style californien. J’étais sceptique je l’avoue mais  ma surprise est totale, surtout quand vient le temps de goûter au Pinot Noir.

VENICE c’est le nom de son Pinot Noir assemblé avec 25% de Landot et de Cabernet Sevemyi; un nez et une bouche plus discrets, mais plus riches, plus complexes. Il a passé 8 mois en fut de chêne français et américain mais on ne le sent aucunement. Les arômes habituels du Pinot Noir y sont; fraise, cerise noire, un peu de bois de santal. Il est bon le Venice et commence à ressembler à un bon vin. Anthony Carone est sur la bonne voie. C’est notre préféré à Conrad et à moi.

Enfin, le Double Barrel, dont l’étiquette fait penser au Chocolate Block de la maison sud-africaine Boekenhoutskloof, le haut de gamme des Carone, fait avec du Cabernet Sevemyi et un soupçon de Sangiovese, qui a passé 16 mois en fûts de chêne, américain d’abord et français ensuite, déçoit. Fruits noirs, très compotés, presque cuits. Un peu flou, au relief imprécis. Si on le laisse vieillir sera-t-il meilleur? Pas certain. Une première cuvée d’un vin ce n’est pas toujours évident et si on se fie à la feuille de route du couple, on peut présumer qu’ils vont vite l’améliorer au cours des années qui viennent. Pourtant, ce jour là, c’était la première journée de dégustation de ce nouveau vin qui semblait plaire aux gens. Un vin au goût du jour? Peut-être. Anthony et Sarah ne se cache pas de vouloir produire des vins qui plaisent aux gens, qui sont en synchronisme avec leur époque. Ils ont de grandes et belles ambitions et des compétences complémentaires qui vont les mener loin. Ce sera intéressant de les suivre sur leur route des vins.

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