dimanche 4 septembre 2011

Une dégustation des blancs de la Loire

À 16h30 il pleuvait des cordes. À 19h30, le ciel est clair et une belle lumière baigne la terrasse où nous sommes. La dégustation des vins blancs de la Loire devrait être en marche mais 4 dégustateurs manquent à l’appel. L’animateur est inquiet et a retardé l’ouverture des trois vins les plus chers, i.e. les 3 Savennières : deux Roche aux Moines et un Coulée de Serrant.

La terrasse est au deuxième étage de l’ancien restaurant où nous avons pris l’habitude de tenir les dégustations du groupe, là où logent les bureaux de deux de nos membres. De notre poste d’observation, on voit peu à peu arriver les retardataires et sur le coup de 20h00 la dégustation peut commencer.

On se fait la bouche avec un Vouvray, mousseux, 100% chenin du vigneron Sébastien Brunet qui sera à l’honneur ce soir. Frais, avec des bulles nombreuses, petites et craquantes, un nez subtil mais étoffé et une belle bouche malgré la finale un peu courte.

D’abord les Muscadets

On ouvre avec les deux Muscadets de Sèvre et Maine : le Domaine de l’Écu, Expression de granite 2009; et le Château de la Ragottière 2009. C’est Michel, conseiller à la SAQ Sélection de la rue Beaubien qui me les a recommandés et ses conseils sont toujours judicieux. Le premier vin est plutôt fermé, et laisse à peine deviner une belle minéralité et une légère touche saline. Il faudra l’attendre un peu. Le deuxième a un nez quasi exubérant, fruité, presque bonbon, une bouche en accord avec le nez, mais avec une salinité plus présente, comme c’est souvent le cas avec les Muscadets. Le groupe préfère le deuxième mais le premier devient plus intéressant en se réchauffant. On a souvent intérêt à attendre le vin un peu quand il est dans le verre, il peut nous réserver des surprises. L’animateur tente de ralentir l’enthousiasme du groupe à attaquer les Vouvray de Touraine pour apprécier un peu plus les Muscadets. Peine perdue, les vins basculent dans le crachoir et, vivement, les 3 Vouvray vinifiés en sec se retrouvent dans les verres de dégustation.


On s’amuse avec les sols

Nous avons deux vins de Sébastien Brunet, des 2009, faits de la même façon mais avec des raisins qui proviennent de sols différents. La Cuvée Arpent émane de sols d’argile à silex alors que la Cuvée Renaissance provient de sols argilo-calcaire. La différence est étonnante, illustrant une fois de plus l’influence des sols sur le vin. Le premier est tranchant, droit, minéral alors que le deuxième est doux, presque doucereux, avec des arômes de fruits confits, je dirais de Loukoum tellement c’est parfumé. En bouche c’est pareil. 

On ajoute la Cuvée Le Mont du Domaine Huet, un 2009, un vin que l’on trouve facilement à la SAQ. Surprise, le nez du le Mont est à la fois fruité et acide, avec une touche « d’acreté », si bien que l’un des convives résume en disant que cela lui rappelle le Chutney de sa mère. On aime tous le Chutney. Oui, je sais, ce n’est pas très classique comme descriptif mais c’est tout  fait cela. Le premier Brunet retrouve la faveur des dégustateurs au deuxième passage. Il s‘est ouvert et révèle une bouche complexe surtout en milieu, et une jolie finale alors que le deuxième est moins droit, moins complexe qu’il annonçait même s’il est loin d’être déplaisant. Les dégustateurs concluent qu’il s’agit d’une belle appellation et que le Chenin reste un cépage fort intéressant, capable d’une grande diversité puisqu’en Touraine et en Anjou/Saumur on fait de tout ou presque avec ce cépage.


And now ladies and gentleman, les sauvignons de la Loire

Tout le monde essuie ses verres à fond, l’animateur s’active, il y a 5 sauvignons à servir : le Reuilly 2009 « les Pierres Plates » de Denis Jamain; le Quincy du Domaine Mardon 2010; le Menetou-Salon 2010 de Chavet et Fils, le Sancerre 2009 « La Moussière » d’Alphonse Rellot; et le fameux Fumé Blanc de Pouilly de feu Didier Dagueneau, un 2007.

Les deux premiers sont dégustés rapidement, et ne révèlent que peu de choses intéressantes sauf un joli nez fruité, très agrume du Quincy. Cela vient conforter les amateurs de chardonnay qui croient à la supériorité de leur cépage préféré sur ce raisin qui donne des vins acides, un peu trop aromatiques, aux arôme plutôt simples et à la bouche un peu stridente, trop droite, trop étroite. Pourtant, dès qu’on aborde le Menetou–Salon, le vent commence à tourner. Il est plus intense, plus complexe, avec des arômes de poires vertes, de pommes pas encore mûres, et d’agrumes (d’avantage citron et mandarine que de pamplemousse). Sa bouche est plus ronde, plus longue en finale. Tiens, tiens, on commence à y voir autre chose que du vin de terrasses?

Avec le Sancerre, le groupe se rallie à l’idée qu’il y a  de beaux sauvignons dans le monde et en Centre-Loire. Nez riche et complexe avec du fruit, bien entendu, agrumes mais aussi poires plus mûres, des fragrances d’herbes mouillées presque sous-bois humide, un zest de « pipi de chat », et en bouche une acidité enthousiaste en bel équilibre avec l’alcool et le fruit, une légère touche d’amertume qui arrondit le tout vers une belle finale en longueur et en complexité. Le Didier Dagueneau vient terminer cette séquence avec éclat et brillance. Un superbe vin, très apprécié de l’animateur  et de la plupart des dégustateurs mais les tenants du chardonnay considèrent tout de même que son prix est trop élevé à 59.75$, alors que tous les autres varient entre 19.00$ et 28.00$. À ce prix là on trouve de bons bourgognes, des Saint-Aubin et quelques Meursaults entre autres, et de beaux premiers crus dans la plupart des appellations. C’est vrai mais bon c’est autre chose.

Les fromages et le pain sont servis : un chèvre sec, le Chabichou du Poitou, la Tome du Joyeux Fromager, fait aussi de lait de chèvre, et un savoureux « brebis » des Pyrénées, l’Ossau Irathy.   Le Sancerre et le Didier Dagueneau font merveille avec ces fromages qu’on trouve peu en dégustation car ils s’accordent mal avec les vins rouges et les vins blancs trop gras. Après cette pause, hop aux crachoirs les Reuilly, Quincy et Menetou-Salon. Place aux 3 Savennières.


Une mauvaise surprise nous attendait.

Le Roche aux Moines du vignoble FL, un 2007, est très beau, très classique, et s’accorde de manière éblouissante avec le saumon fumé de la poissonnerie Falero de Montréal. Un  très beau chenin, en lien direct avec la belle réputation des Savennières

Je ne connaissais pas les vins de Nicolas Joly. Je le savais iconoclaste, original et qu’on  le considérait comme le pape de la biodynamie. La réputation de son Clos de la Coulée de Serrant et celle de son Clos de la Bergerie, un Roche aux Moines, est immense. Il privilégie un travail dépouillé, des rendements très bas, raisins tout bio, le moins de souffre possible en vinification et une trame oxydative (dite discrète) pour ses vins. Tout cela moi j’achète.
Je suis un amateur (non exclusif) des vins bio ou nature et apprécie les Jerez d’Andalousie et le Vin Jaune du Jura.

Mais les vins que l’on retrouve dans nos verres sont très oxydatifs, surtout la Coulée de Serrant qui a tous les signes d’un vin vieilli prématurément. Son nez est puissant, à la limite du tolérable mais sa bouche n’est pas désagréable et lorsqu’on le mettra en contact avec L’Étivaz de Suisse et le saumon fumé du Nouveau-Brunswick il fera belle figure. Nous sommes décontenancés. Quelques uns le rejettent carrément et tolèrent à peine le Roche aux Moines, moins oxydatifs qui fait merveille pourtant avec le L’Étivaz. Les amateurs de Château Chalon et de Jerez Amontillado sont plutôt contents. Je suis perplexe et dérouté.
Ils sont oxydés ou oxydatifs?

Dès le lendemain, je me suis empressé d’ouvrir le Coulée de Serrant et le Clos de la Bergerie, que j’avais à la maison pour en avoir le cœur net d’autant qu’ils étaient des mêmes millésimes, 2003 pour la Coulée de Serrant et 2006 pour l’autre. De bons vins sans aucun doute. Conclusion, les vins de jeudi étaient oxydés mais sans le révulsif insoutenable et la violence olfactive et gustative habituels. Ils étaient potables, à la limite. C’est ce qui nous a confondu. On en apprend tous les jours. Belle leçon d’humilité monsieur l’animateur. 

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