jeudi 8 septembre 2011

Il y a des jours où on devrait rester au lit.



Il y a des jours où j’affiche complet. Vous savez ces jours où on ne peut plus rien avaler, plus rien digérer; des jours qui commencent pourtant de manière anodine. Les athlètes diront un jour « sans ». Sans quoi? Sans ce je ne sais quoi qui vous porte vers le soleil, vers la lumière, vers l’exploit, ou vers les autres.

Ce sont des jours de repos, des jours de replis, des jours où l’on plonge en soi, des jours de cohabitation discrète avec vos proches qui sentent bien la spirale introvertie de la pensée centrifugeuse. Ça commence par une ou deux minutes d’hésitation sur le programme de la journée, puis cela se prolonge au delà des pages du journal que l’on essaie de lire, distraitement, avec un sentiment de déjà vu qui vous glace. Deuxième café? Peut-être pas. Qu’est-ce que j’avale ce matin, à part ce cafard insidieux qui se glisse doucement, subrepticement en moi. Le regard  de la beauté calme s'assombrit. Elle sait, me quitte des yeux, se lève, gracieuse, file vers son ordinateur et la grande toile qui l’attendent, où il se passe tellement de choses et rien à la fois. J’affiche déjà complet?

Il faudra bien que je me décide. Il ya les chiens à mener vers leur courses dans le boisé de nos promenades communes. Il y a la chaine du vélo à huiler au cas ou le vent accepterait de remettre ses bourrasques à plus tard. Je regarde le piano qui m’attend ce matin comme tous les autres matins. J’effleure les notes sans émotions… Un jour sans je vous le dis… Un jour où je vais sans doute afficher complet…

« Le goût du vin » d’Émile Peynaud me nargue, là, posé sur la banquette qui s’étale le long de la fenêtre de mon bureau, cette fenêtre sur le jardin qui m’apporte tant de joies et de  plaisirs quand il fait soleil et que ça grouille d‘oiseaux et d’écureuils. Pas le goût du goût aujourd’hui Emile. Désolé. Le goût de quoi alors? Bien, de rien, aujourd’hui du moins, alors que j’affiche complet.

Je ne suis pourtant pas malade, pas indisposé, pas déprimé. On dirait que mon enthousiasme, ma passion de la vie ont pris congé, sont partis faire un tour en me laissant seul avec mon « moi », mon égo qui prend tant de place d’habitude, et que je n’aime pas fréquenté en solitaire, ne raffolant pas des tourments intérieurs et des déchirements intimes.

 Les chiens normalement insistants se font rares. Ils n’aiment pas les jours sans. Les marches sont moins longues moins palpitantes, à cause des laisses courtes et chagrines qui entravent leurs élans… Ils sont patients les chiens, plus que les humains. Pourtant,  ils soupirent déjà à l’idée que j’affiche complet. Ma compagnie n’est pourtant pas dérangeante. Je ne suis pas maussade, impatient ou irascible. Seulement absent et vague, vague de l’âme et du corps. Un  jour sans, un jour absent.

J’errerai toute la journée, d’une hésitation à l’autre, d’un soupir à un autre, en ce jour, sans sourires, sans rires, car aujourd’hui, j’affiche complet. Les heures défileront lentes et lancinantes, sans but sans raison d’être, jusqu’à la nuit, jusqu’au sommeil car aujourd’hui j’affiche complet. Le verre de vin et le repas du soir n’auront pas d ‘éclat, pas de lustre, n’allègeront pas le sentiment lourd et insidieux que j’aurais mieux fait de rester au lit ce matin car aujourd’hui j’affiche complet. Le sourire éblouissant de mon amour, son regard profond ne me troubleront pas ce soir, car aujourd’hui j’affiche complet.

« Tomorrow is another day my love » dit-elle gentiment. Indeed. « Bonne nuit et à demain alors et n’oublie surtout pas de ranger ton affiche avant d’éteindre ».

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